Carnets très intimes 15
De l’extérieur, je semble
imperméable à tous froissements négatifs qui peuvent m’atteindre. Téflon. Mais
en fait, dès que je reçois une gifle négative, un signal d’alarme retentit dans
mon esprit et je me précipite à la vitesse de l’éclair, comme un superhéros, dans
ce lieu protecteur que j’ai bâti dans ma tête et je m’y embarre à triple tour.
Mais dans le noir de ma prison
mentale, je deviens peu à peu désorienté. Déséquilibré.
Cet endroit où je suis venu pour
échapper à la peur de souffrir est le lieu où j’enfonce toutes ces peurs dans
un immense réservoir de boue gluante de douleurs. Et les souffrances qui les
accompagnent. La besogne de noyade est difficile et souffrante. Très
souffrante.
J’ai échangé, dans un troc pernicieux,
une souffrance pour une autre.
J’œuvre pendant quelques minutes.
Ou quelques heures. Ou quelques jours. Mes mains sont couvertes de boue
crasseuse comme on l’est de sang. Je tombe d’épuisement et m’allonge sur le sol.
Recroquevillé, je ne peux parler, émettre le moindre son.
Puis, comme une marée montante de
carcasses pourrissantes, le réservoir dégorge de boue qui se glisse jusqu’à
moi. Lentement, la vase me recouvre le corps tout entier. Comme ce drap chaud
que ma mère m'ajoutait l’hiver.
Je deviens engourdi. Je ne peux
plus respirer à cause de cette boue que j’avale de plus en plus.
C’est alors qu’un petit mouvement
nait en moi. Qu’il prend vie. Qu’il se révolte.
Soudain, le chemin du retour m’apparait
plus clairement. Comme un serpent affolé, je rampe hors de cette vase
étranglante et je prends le chemin du retour.
Je suis accueilli par une lueur
éblouissante. Éblouissante, car elle se reflète sur les barreaux de fer qui
brillent tout autour de moi. Je prends conscience que je suis dans la même
prison, mais dans une cellule différente.
Nu dans mes pensées, je prends
alors un grand bain pour effacer toute trace de cette boue sanglante.
Vivre pour moi reste une condamnation
à vie. Je me libère par la parole.
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